Le design culinaire est à
l’origine de productions industrielles innovantes, reflet de notre société et
créateur de nouvelles tendances culturelles. Né il y a bientôt dix ans à l'Ecole Supérieure d’Art et de Design de
Reims et unique laboratoire de ce genre, en France comme en Europe. Marc
Brétillot, designer culinaire pionnier et considéré comme l’une des
figures majeures du design culinaire, enseigne à ESAD de Reims et intervient
également à l’Ecole Supérieure de Cuisine Française Ferrandi à Paris.
Le "design culinaire" représente un
enjeu majeur du XXIème siècle par les nouveaux rapports qu’il établit entre
design, innovation culinaire et art contemporain.
Interview avec Marc Brétillot sur
les enjeux du design culinaire
Qu'est-ce que le design culinaire ? Tout d'abord, il faut définir ce qu'est le design. Après, que ce soit appliqué à l'automobile, à l'alimentation, à l'espace, c'est la même chose. Dans le terme design, vous avez deux mots importants, qui sont le dessin et le projet. Comment cette façon de penser et d'analyse, s'associé au dessin et permet de développer des projets. Après les champs d'application du design culinaire sont très vastes. Cela peut aller d'un concept pour l'industrie agro-alimentaire, un partenariat avec les métiers de bouche et aussi l'événementielle (l'alimentaire en relation avec un événement) et puis de l'autre extrême, avoir des performances dans l'art contemporain.
Le design culinaire est une discipline à la croisée des chemins et il faut aller chercher
des informations, entre les expertises techniques, des métiers de bouche, la
sociologie, l’histoire etc, pour toujours avoir cette cohérence dans les
projets.
Comment
peut-on décrypter la société à travers le design culinaire ? L’alimentation n'est pas un truc d’avant-garde, par contre
on peut décrypter à travers ce que les gens mangent et la façon, comment
fonctionne la société. Il y a des typologies qui émergent, comme la forme ronde dans
l’alimentation, car cela correspond à une société qui bouge. Si on observe
d’autres sociétés, qui ont d’autres habitudes, on pourrait avoir des
décryptages à la façon dont les aliments sont coupés ou la forme des aliments,
qui sont illustratives. Par exemple dans les société arabes, les viandes sont
très cuites, pas besoin de passer du temps à les découper comme nous le
faisons.
Le fromage est d’ailleurs un aliment emblématique du
design culinaire, car quand on dit fromage,
on dit formage. On parle d’une
matière qui n’a pas de forme et on doit lui donner une forme. La question de la
forme et du dessin surgit. On se rend compte qu’en montagne on doit avoir des
gros fromages, parce qu’il faut passer l’hiver, on est souvent en coopérative.
Et en plaine on a des petits fromages,
ce sont des illustrations de la société à travers l’alimentation.
Quels sont les enjeux du design culinaire ? : Il faut avoir des choses cohérente par rapport
aux objectifs du départ. Le design culinaire est au service d’un projet, ce qui
le différencie de l’art. Ce n’est pas une fin en soi, le design est au service
du projet. La difficulté est de définir le projet et les intentions. Une fois
que vous avez définit les intentions, il faut un produit qui soit cohérent,
c’est à dire, il faut un produit qui raconte bien ce pourquoi il a été fait et
qu’il corresponde à l’usage, même l’usage symbolique du projet.
Est-ce
qu’il y a une évolution dans le design culinaire ? La place accordé au design, mais ça c’est valable
dans tous les domaines, est plus grande. Parce que jusqu’à maintenant,
l’innovation était faite par la technologie, avec une prédominance des ingénieurs
par rapport aux designers. Les ingénieurs mettaient au point une technologie et
on se disait, qu’est-ce qu’on peut en faire ? Maintenant la tendance est
inversé, avec des designers qui disent, j’ai une intention, j’ai une idée et
puis ingénieur, trouvez moi la
solution. L’exemple parfait, c’est Apple. L’intention c’était
l’accessibilité.
Le design, donc aussi le design culinaire, est un
métier d’avenir qui investit tous les champs créatifs. L’alimentation est le
dernier à être investit, pour diverses raisons, dont la réticence à la
nouveauté, mais de façon générale dans l’alimentation. Mais je pense que c’est
un métier d’avenir, car il y a dans la recherche de cette cohérence, une
certaine forme d’efficacité. Et cela évite de faire des ratés. Dans tous les
domaines, cela s’est passé comme ça.
Dans un business model, c’est la première chose qu’on
intègre. Le design permet d’être efficace, mais aussi de valoriser ses produits
et à juste titre.
Ne pas
jouer avec nourriture, cela vous évoque quoi ? A mon sens, c’est super important de jouer avec la
nourriture, parce que ça s’appelle cuisiner !! Cuisiner fait parti de
la compréhension que nous avons des produits. Déjà quand on a une bonne
compréhension des produits, cela donne une vision plus fine et cela évite
d’avoir des dérives et d’arriver sur des territoires qui ne sont pas toujours
terribles. Le véritable tabou alimentaire, c’est le gâchis ! Mais vous
prenez une orange, il y a deux personnes autour de la table, chacun va les
éplucher de façon complètement différente. On peut même décrypter les
personnalités, comme la perfection etc. Ca c’est super intéressant. Et puis cuisiner
c’est une activité qui rapproche l’urbain à la réalité, à la matière. C’est le
processus créatif qui nous rattache à la terre, ce qui se perd un petit peu. Il
faut donc jouer avec la nourriture, mais dans le bon sens du terme. Jouer avec
la nourriture, c’est donc être créatif.
Le plaisir
des papilles passe donc aussi par les pupilles ? Par l’ensemble !! Cela reste l’expertise des
cuisiniers, à travailler sur le goût. Par contre quel est l’intention à travers
le goût, qu’est-ce qu’on veut raconter ? Ceci peut être définit par des
équipes pluridisciplinaires pour avoir des projets plus cohérents.
Et pour conclure,
vous aimez cuisiner ?
Oui !!
Pour découvrir le design culinaire et ses enjeux: l'exposition Food Design dans la Maison de la Vache qui rit, cuisiné par Marc Brétillot, jusqu'au 24 juin.
Je vous souhaite une très belle journée gourmande de design culinaire
Crédit photo: © Marc Brétillot
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